Espionnage de Croix-Rouge (CICR) au Burkina Faso : Une société israélienne serait à l’origine selon un consortium de journalistes d’investigation

Selon le consortium de journalistes d’investigation Forbidden Stories, à l’origine du scandale lié au logiciel espion Pegasus, une société israélienne a orchestré en 2020 une campagne contre le Comité international de la Croix-Rouge au Burkina-Faso.

En 2020, cette société israélienne a orchestré une campagne contre le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Burkina Faso, diffusant la thèse selon laquelle l’ONG entretiendrait des liens avec les jihadistes, selon le consortium de journalistes d’investigation Forbidden Stories.

Il s’agit d’une « opération de manipulation élaborée, conçue et opérée par la société israélienne Percepto, avec l’aide de services de sécurité burkinabés, visant à nuire à l’image d’une ONG internationale perçue comme un peu trop critique » à Ouagadougou, selon le journal Le Monde, un des partenaires du collectif.

Opérations sur les réseaux sociaux

Dissimulant leur fonction, des journalistes de ce groupement se font fait passer pour des clients potentiels d’entreprises dont Percepto, qui proposent de mener des opérations de désinformation, de manipulation et d’ingérence sur les réseaux sociaux.

Ils affirment que Percepto a organisé l’amplification, sur les réseaux sociaux, d’une tribune publiée le 3 août 2020 dans l’hebdomadaire français Valeurs actuelles – celle-ci critiquait l’action du CICR au Burkina Faso en sous-entendant qu’il négociait avec des groupes jihadistes.

« C’est lors d’une de ces rencontres que Percepto a détaillé le déroulement de la campagne visant le CICR, la présentant comme un ‘cas d’école’ de ses actions », selon Le Monde.

La tribune en question pointait une pratique courante des ONG en zone de conflit – négocier des sauf-conduits avec les belligérants pour pouvoir mener leurs actions – mais critiquait le fait que le CICR négocie avec les groupes jihadistes qui ravagent le pays.

Elle a été rédigée par l’analyste en géopolitique et consultant Emmanuel Dupuy, personnalité établie dans le paysage médiatique français, où il est régulièrement cité dans les médias.

« Besoin humanitaire »

Interrogé par l’AFP, Emmanuel Dupuy affirme n’avoir aucun lien avec Percepto, dont il ignorait l’existence, et explique que le thème de la tribune, qui n’a pas donné lieu à rémunération, lui a été suggéré par un conseiller du président burkinabé de l’époque Roch Marc-Christian Kaboré, l’Israélien Samuel Sellem. « Tout est vrai dans la tribune, je ne retirerai pas une virgule », a-t-il déclaré.

« On entretient des dialogues (avec les groupes armés) non pas pour faire plaisir ni pour conférer quelque légitimité que ce soit à des groupes armés ou à un gouvernement. On fait cela par nécessité, pour un besoin humanitaire », avait justifié de son côté le président du CICR Peter Maurer, cité dans une dépêche AFP, dénonçant les « sous-entendus » de la tribune.

Le collectif affirme que la dépêche AFP, consacrée à la réaction de Peter Maurer, « a amplifié » la nouvelle et donc participé in fine au succès de la campagne de Percepto.

« L’AFP a rendu compte dans une dépêche du 14 septembre 2020 de la conférence de presse du président du CICR à Ouagadougou de façon factuelle, conformément aux pratiques journalistiques d’une des plus grandes agences de presse internationales. À aucun moment auparavant, l’Agence France-Presse n’avait fait état du contenu de la tribune de Valeurs Actuelles », explique le directeur de l’information de l’Agence France-Presse, Phil Chetwynd.

Percepto a présenté aux journalistes cette opération comme un succès, expliquant dans un document reproduit par le consortium avoir « amplifié l’article par tous les moyens sur les réseaux sociaux », forçant Peter Maurer à venir au Burkina pour s’expliquer.

Le consortium rappelle toutefois qu’à l’époque, Percepto n’existait pas en tant que tel et qu’un de ses responsables, Royi Burstien, un ancien du renseignement militaire israélien, dirigeait une autre entreprise dans cette activité. Selon Forbidden Stories, la société StoryTling de Samuel Sellem n’a pas répondu à ses questions.

Avec AFP

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