L’allocution solennelle de Idriss Deby Itno à l’occasion de la cérémonie de consécration au rang de Maréchal du Tchad

Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine ;
– Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale ;
– Madame la Première Dame ;
– Mesdames, Messieurs les Députés ;
– Monsieur le Gouverneur de la BEAC ;
– Messieurs les Présidents des Grandes Institutions de la République ;
– Messieurs les Anciens Premiers Ministres ;
– Mesdames, Messieurs les Membres du Gouvernement ;
– Officiers Généraux et Officiers supérieurs des Forces de Défense et de Sécurité ;
– Distingués invités ;
– Mesdames, Messieurs ;
– Mes chers frères et sœurs.


Le 26 juin dernier, sur sa propre initiative, la Représentation Nationale a souverainement décidé de nous élever à la plus haute distinction militaire, c’est-à-dire à la dignité de Maréchal du Tchad.
Cette décision de notre Assemblée m’a ému au plus profond de moi. Cette émotion qui m’a saisi n’est liée ni à un sentiment de satisfaction personnelle, ni à l’assouvissement d’une quelconque gloriole. C’est tout le contraire.
En effet, je considère que cette consécration n’est pas exclusivement celle du Général d’Armée IDRISS DEBY ITNO que je suis, sinon je n’aurais pas été autant touché par cet honneur que me font les Représentants du Peuple.
À travers ma distinction, ce sont d’autres dignes filles et fils du Tchad qui sont honorés.
C’est le sacrifice, le courage, le patriotisme des milliers de soldats, de sous-officiers et d’officiers qui sont ainsi distingués. Ce sont les valeurs de fraternité, de résistance, de justice qui sont ainsi consacrées.
C’est pour toutes ces raisons qu’après avoir décliné quatre (4) propositions similaires, je me suis convaincu d’accepter les termes de la résolution N°006 de l’Assemblée Nationale.


Mesdames et Messieurs,


J’étais un soldat avant d’être Général, puis Maréchal.
Je sais ce que c’est qu’une campagne militaire.
Je sais ce que c’est la guerre et les règles qui la gouvernent.
Bref, je sais comment se gagnent les batailles.
Les batailles se gagnent par l’abnégation des hommes qui, arme à la main, font face à l’ennemi sur le terrain.
Le plus cruel est que certains de ces hommes qui sont à la base d’une victoire militaire ne sont plus là pour la savourer, car ils ont été entre temps emportés par les balles ennemies.
C’est pour vous dire, Mesdames et Messieurs, que plus que dans tout autre métier, dans le métier des armes, il n’existe point de gloire personnelle d’un Chef.

Toute victoire est collective et les honneurs liés à une victoire doivent par conséquent naturellement couvrir tous ceux qui ont participé à cette victoire.
L’émotion qui m’a étreint et que je ressens encore en cet instant a donc sa source dans cette pensée intime qui m’habite et qui me renvoie aux souvenirs impérissables de mes frères d’armes qui m’ont accompagné dans les différents champs de bataille.
Beaucoup y sont morts, d’autres en gardent des cicatrices physiques et psychologiques indélébiles.
C’est pourquoi, je voudrais, avec une infinie émotion, dédier cette dignité suprême, à mes frères d’armes, soldats, sous-officiers et officiers à qui revient également le mérite des faits d’armes qui me vaut cette distinction.
Je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée fière et émue, à Hassan Djamous, Brahim Mahamat Itno, Maldom Bada Abbas, Ali Brahim, Mahamat Ali Abdallah, Abakar Youssouf Mahamat Itno, Abbas Koty, Hissein Mahamat Itno, Adam Haggar, Adam Kessou, Jules Beguy, Moussa Sougui, Bahar Sinine, Abdekerim Sinine, Kerim Nassour, Brahim Dilo, Allatchi Djiréi, Kafine Djadallah, Charfadine Ahmat, Daoud Soumaïne, Djibrine Dasser, Baal Zaar, Hadje Halimé Oumar et tant d’autres valeureux fils du Tchad qui ont donné leur vie à la Patrie et qui ne sont plus de ce monde pour jouir de la paix et de la liberté qui ont toujours constitué la cause première de notre engagement commun.
Je pense également à ces martyrs tombés sur les champs de bataille de Tiné, Bahai, Wadi Doum, Hadjar Marfaine, Ndjamena, Bohoma, etc., pour défendre la Patrie et pour protéger les Tchadiennes et les Tchadiens.
Faut-il rappeler que l’intégrité territoriale, la paix, la stabilité, la dignité et la liberté ont été sauvées dans l’atrocité de ces combats.
Je n’oublie pas ceux qui ont consenti le sacrifice dans des contrées lointaines pour donner un sens et un contenu honorable à la notion de solidarité panafricaine dans la lutte contre le fanatisme.

En cet instant fort symbolique, je vous convie à observer une minute de silence à la mémoire de ces martyrs. (Merci).
Je pense à ces hommes et à ces femmes, encore en vie, et ayant participé aux différentes épopées militaires qui font la gloire et la renommée de notre armée.
Je pense enfin à ces hommes et à ces femmes qui, en ce moment même, sont engagés dans les différents théâtres d’opérations à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières.
À tous ces hommes et à ces femmes, je leur dis : J’ai accepté volontiers cette dignité de Maréchal du Tchad, pour honorer leur vaillance et pour couronner leurs sacrifices qui font que le Tchad est aujourd’hui une Nation respectée et pleine d’espoirs.
À tous ces hommes et à ces femmes, je leur dis également : C’est moi qui porte certes les attributs de Maréchal, mais je porte ces attributs pour eux tous, les morts comme les vivants, les actifs comme les retraités, les jeunes comme les moins jeunes.


Mesdames, Messieurs ;


Il est bien vrai que l’élévation à la dignité de Maréchal est une distinction qui est associée à des faits militaires.
Néanmoins, je voudrais faire observer que la guerre ne mériterait pas d’être honorée si elle n’était pas sous-tendue par des raisons légitimes et par des objectifs nobles.
C’est ainsi que toutes les batailles que nous avons menées ont toujours eu pour finalité, la défense de l’intégrité territoriale de la Patrie, la préservation de la stabilité et de la paix ou la lutte pour la liberté, la sécurité et la justice.
C’est grâce à ces héros de la liberté et de la sécurité qu’aujourd’hui, l’opposition s’exprime à sa convenance, que la presse critique à sa guise, que les institutions démocratiques fonctionnement normalement et que les citoyens se prévalent des droits fondamentaux dont ils étaient privés avant le 1er décembre 1990.

Plus que les victoires militaires, la dignité de Maréchal vient surtout distinguer les finalités vertueuses de notre engagement, avec mes frères d’armes, à défendre des idéaux qui transcendent nos simples personnes et qui doivent irriguer l’âme de notre beau pays.
En effet, à chaque fois, c’est à notre corps défendant que nous avons toujours été contraints de prendre les armes, hier pour combattre l’occupation et la dictature et, aujourd’hui, pour contenir le terrorisme, l’insécurité et l’instabilité.


Chers frères et sœurs


Tant que la paix, la stabilité, l’unité nationale, la souveraineté, l’intégrité du territoire, la liberté et la démocratie seront menacées, l’armée nationale sera là, présente et je serai à ses côtés.
Comme je l’ai toujours dit et fait, tant que mon souffle et ma force le permettront, je serai personnellement présent sur le terrain lorsque les circonstances l’exigent. C’est le serment que j’ai fait à ma patrie et à mes frères d’armes.

À ceux qui s’étonnent qu’un Chef d’État soient aux côtés de ses troupes en opération, je leur réponds simplement qu’il est des moments qui sont faits pour travailler dans la douceur des bureaux climatisés et il y a des moments où un Chef doit partager la rusticité du terrain avec ses hommes, surtout lorsque la survie de la Nation est en jeu.
Je saisis cette opportunité, mesdames et messieurs, pour féliciter et encourager, une fois de plus, tous nos soldats qui sont en mission à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Ces enfants du Tchad peuvent être fiers de leur engagement, car la plus grande des vertus est dans le dévouement désintéressé en faveur d’une cause patriotique juste. Que l’étendue de leur dévouement puisse servir de référence aux autres Tchadiens.
Que les autres tchadiens n’oublient jamais que s’ils peuvent travailler, voyager, cultiver, se former et dormir dans la quiétude, c’est parce qu’ils existent d’autres tchadiens qui exposent quotidiennement leur vie pour garantir cette quiétude à leurs compatriotes. Oublier ou minimiser ce don de soi incommensurable serait une injustice innommable.

Mesdames et Messieurs ;


La lutte contre le terrorisme participe de notre survie en tant qu’État. En dépit d’immenses sacrifices consentis sur le terrain sécuritaire, la menace est toujours là, implacable. Et si l’on n’y prend garde, le terrorisme qui est une véritable calamité du siècle va compromettre tous nos efforts de développement.
La lutte contre le terrorisme qui est un impératif vital demeurera au centre de nos préoccupations. C’est pourquoi, nous allons poursuivre de manière résolue la guerre contre le terrorisme en étroite synergie avec les pays du Bassin du Lac Tchad et du G5 Sahel ainsi que toute la communauté internationale.


Mes chers frères et sœurs


L’idéal de l’émergence que nous nourrissons pour notre pays avec la naissance de la 4ème République exige la cohésion fraternelle, la paix et la stabilité. Le moment est opportun pour inviter chacune et chacun de nous à faire de la paix une culture qui doit se manifester quotidiennement dans nos actes, faits et gestes.
Aussi, tous les comportements de nature à mettre à mal la stabilité, le vivre-ensemble et la cohésion nationale doivent-ils être combattus avec la dernière énergie.
La liberté n’est pas le désordre : le désordre est l’ennemi de la liberté.
La démocratie n’est pas l’anarchie : l’anarchie est l’antithèse de la démocratie.
La justice n’est pas l’impunité ou la vengeance : l’impunité et la vengeance sont la négation de la justice.
Les droits du citoyen ne sont pas dissociables, ni matériellement, ni juridiquement, des devoirs qui se confondent avec le statut constitutionnel de citoyen.
La paix et la liberté sont des biens communs qui profitent à toute la communauté à la seule condition que chacun respecte toutes les règles de la vie sociétale.
Aussi, je mets en garde contre toutes les illusions agitées par des individus dont la première préoccupation n’est ni le Tchad, ni les Tchadiens, mais l’ambition de leurs propres chimères.
Je continuerai à m’ériger contre toutes les formes d’actions susceptibles d’attenter à la paix pour laquelle tant de sacrifices ont été engloutis.
De même, je continuerai d’être le premier garant de la liberté de mes concitoyens, autant que cette liberté n’est pas détournée par les ennemis de la Nation pour entrainer celle-ci à sa désagrégation pure et simple.
À ce titre, je voudrais une nouvelle fois interpeller la jeunesse tchadienne qui a la chance extraordinaire de vivre dans un pays sûr et en mouvement.
Il est vrai que les défis sont nombreux et les attentes de la jeunesse sont pressantes. Mais c’est par le travail et dans l’unité que nous pourrons tous ensemble réaliser le progrès auquel nous aspirons.
Que la jeunesse sache qu’il n’existe pas un autre Tchad de secours. Le Tchad, leur pays, est unique et irremplaçable.
Chers jeunes, dans un passé très récent, vos ainés ont goûté au fruit amer de la guerre, de la haine, de la déchirure, de l’exil et de la misère crasse. Votre devenir est lié à l’avenir de votre pays.
Ne gâcher pas votre trésor le plus précieux, c’est-à-dire le Tchad, par inconscience et par des comportements dont vous ne mesurez pas la corrosivité sur la concorde nationale.
Les jeunes doivent être aux avant-postes pour défendre leur pays, en s’opposant aux discours de haine et de division, en s’investissant dans les actions de développement, en s’engageant dans la lutte contre l’insécurité et l’intolérance.
Le Gouvernement actuel qui est plus rajeuni que jamais doit améliorer les conditions permettant à notre jeunesse de prendre en main le destin de son pays et de s’épanouir.

Dans le même ordre d’idées, nous devons nous préoccuper des autres maux qui retardent le développement de notre pays et qui sapent l’entente nationale.
Je voudrais insister sur la dilapidation des deniers publics, la corruption, la gabegie, le clientélisme et la concussion. Toutes ces mauvaises pratiques sont aux antipodes de la dignité qui doit être notre code de valeurs commun.
A l’inverse, seuls les objectifs en lien avec l’intérêt supérieur du pays doivent focaliser nos attentions. Nous ne devons, en aucune manière, trahir le pacte républicain, à la base de la nouvelle République qui nous impose de bâtir un État fiable et durable jouissant de toute sa prestance dans le landernau de la géopolitique mondiale.
Dans la quête de cet objectif, nous devons transcender tous les égoïsmes et toutes les considérations en lien avec les clivages de toute nature.
Au demeurant, seule la devise nationale « Unité-Travail-Progrès » qui fonde notre identité doit déterminer toutes nos actions pour les générations actuelles et la postérité.
A cet égard, je voudrais mettre un point d’honneur sur l’amour de la patrie et la conscience citoyenne qui nous commandent les valeurs à privilégier, telles que le gout de l’effort et de l’excellence académique et professionnelle, l’esprit d’entreprise, la probité, la rigueur, la discipline et la responsabilité à toute épreuve.


Mesdames, Messieurs
Mes chers frères et sœurs


À travers ma personne disais-je, ce sont des milliers de valeureux patriotes qui ont été ainsi honorés par l’Assemblée Nationale, laquelle Assemblée a par ailleurs pris la judicieuse décision de bâtir une stèle mémorielle en hommage à nos soldats victimes des guerres contre le terrorisme.

Je voudrais adresser mes chaleureux remerciements et mes vives félicitations à Mesdames et Messieurs les députés de tous les bords politiques qui ont pris l’initiative et soutenu cet hommage national magistral à l’endroit de nos forces de défense à travers le Chef suprême des Armées que je suis.
Que la Représentation Nationale trouve ici, l’assurance de mon infinie reconnaissance, au nom de nos forces de défense et de sécurité.
Enfin, je voudrais, avant de clore mon propos, féliciter toute l’équipe du Comité d’Organisation pour l’éclat de cette cérémonie historique en dépit des contraintes sanitaires liées à la pandémie du coronavirus.
Je félicite particulièrement les services municipaux, la presse, le protocole, le personnel de santé ainsi que les forces de sécurité pour leur total investissement dans la réussite de cet événement inédit.


Vive le Tchad éternel.
Je vous remercie de votre bien aimable attention

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