Après deux jours au Mozambique, le pape François est arrivé, vendredi soir, à Madagascar, deuxième étape de sa longue tournée dans l’Océan indien. Ce samedi matin, à 10h00, heure locale, il s’est exprimé pour la première fois, depuis son arrivée. Invité au palais d’Etat, le pape François a prononcé son discours devant les autorités malgaches, le corps diplomatique, et la société civile. Un discours attendu, adapté aux réalités du pays et adressé très directement aux gouvernants du pays mais aussi, aux organisations internationales.
Lutte contre la pauvreté « inhumaine », lutte contre la corruption endémique, nécessité de servir ses concitoyens… D’entrée de jeu, le pape a rappelé aux responsables politiques que leur mission première était de favoriser les conditions d’un développement digne et juste sur l’Île et combien les êtres humains, notamment les plus fragiles, devaient être au cœur de ce développement.
Autre thème cher à François et largement développé ce matin, celui de l’importance de prendre soin de ce qu’il appelle « notre Maison commune », énumérant, au passage, différentes menaces, ô combien d’actualité, qui pèsent sur l’île comme la déforestation excessive au profit de quelques-uns, le braconnage ou encore la coupe effrénée de bois précieux.
Puis, citant un extrait de son encyclique Laudato Si sur l’écologie, il a rappelé qu’ « Il n’existe pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale ».
Il faut stopper l’hémorragie c’est-à-dire prendre des mesures immédiatement : sanctionner ceux qui ont détruit la forêt parce qu’ils sont faciles à connaitre – il faut pour cela que le gouvernement soit un peu plus sévère – et il faut ensuite mettre en place un système de surveillance permanente pour assurer la protection de la forêt. Il faut augmenter las agents forestiers. A Manaratsandry par exemple, là où j’habite, il y a quelques milliers d’hectares de forêt vierge et nous n’avons que cinq agents forestiers. Ce n’est pas suffisant !Réaction d’un militant écologiste malgache à l’appel du pape François à lutter contre la déforestation.07-09-2019 – Par Léonard Vincent
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Un avertissement à la communauté internationale
Ensuite, et c’est sans doute-là que le pape a créé la surprise, il a tenu à avertir la communauté internationale. Tout en reconnaissant l’aide apportée par cette dernière, François a néanmoins souligné qu’à trop vouloir aider Madagascar à s’ouvrir au monde, le risque était d’enfermer le pays dans « une prétendue culture universelle qui méprise, enterre et supprime le patrimoine culturel de chaque peuple ».
Il s’agit ainsi d’un appel au respect des modes de vie de chacun et d’une invitation au peuple malagasy à devenir l’artisan de son propre destin.
C’est un discours qui relaye un peu tout ce qu’on réclame nous, organisations de la société civile, depuis longtemps. C’est vraiment un appui de taille que le Pape nous a donné parce que tout ceci est essentiel pour construire une véritable démocratie à Madagascar, un État au service du peuple, et une société civile qui soit entendue et écoutée. Nous on est vraiment « aux anges » ![Reportage] Le discours du pape très attendu par la société civile07-09-2019 – Par Sarah Tétaud
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Aussi, pour réussir dans cette grande entreprise, le pape a rappelé à quel point il était nécessaire d’accorder attention et respect à la société civile locale, celle-là même qui, par ses actions, rend plus audible « la voix de ceux qui n’ont pas de voix ». Une société civile qui, aujourd’hui, peine encore à se faire entendre sur la Grande île et qui attendait beaucoup du discours du pape.
Une jeunesse concernée
Un discours très attendu par les jeunes aussi, qui, même s’ils n’ont pu assister à sa déclaration devant les autorités, l’ont déjà analysé. « C’était très juste de parler de l’environnement parce que ça nous touche directement à Madagascar, estime Clarisse, 23 ans, étudiante en sciences naturelles. C’est très bien que l’église sensibilise les gens à protéger notre biodiversité et pas seulement les intellectuels. »
Dans ce pays où près de deux tiers de la population à moins de 25 ans, son message tourné vers l’avenir a touché Joseph lui aussi étudiant. « Il a parlé très calmement mais c’était très percutant et facile à retenir, surtout pour nous les jeunes. »
Sidonie est venue avec sa famille et ses amis tôt l’après-midi pour voir le pape François qui, selon elle, a évoqué les vrais problèmes qui rongent la Grande Ile. « Il a vraiment raison en ce qui concerne la corruption. C’est pas gagné parce qu’il y en a encore beaucoup. Concernant la biodiversité, ce sont les dirigeants qui en profite et j’espère qu’ils ont entendu son message. »
Que le pape ait une influence sur les responsables politiques c’est l’espoir d’Aimé, 27 ans. « Il était très direct quand il a parlé de l’injustice et de la corruption. Son message était très clair envers nos dirigeants parce que peut-être que ça vient d’eux nos problèmes. Je pense que le message du pape va les atteindre. »
Autres grands rendez-vous
Le pape rencontre, ce samedi après-midi, les évêques de l’île puis il passera la soirée avec les jeunes des diocèses du pays pour une veillée de prière. Dimanche, point culminant de sa visite, ce sera la grand-messe, à laquelle sont attendues près d’un million de personnes.
Le pape se rendra ensuite à Akamasoa, les villages créés par le père Pedro, emblématique prêtre de l’île qui a fait de la lutte contre la pauvreté le combat de sa vie.