Lors de sa deuxième assemblée générale nationale tenue mercredi 18 décembre 2019 à la Bourse du travail de Ouagadougou, l’Unité d’action syndicale (UAS) a entre autres dénoncé une « pression fiscale accentuée » sur les travailleurs, alors que des atteintes graves sont portées contre leurs libertés et droits. A l’ordre du jour, de cette AG, il était question du bilan des décisions de la rencontre nationale du 17 août 2019, de l’évolution de la situation nationale et aussi des taxes et impôts jugés injustes dans le projet de loi portant Budget gestion 2020. C’est ce qui ressort de la Résolution finale de l’assemblée générale nationale ci-après.
Sur convocation de l’UAS, s’est tenue le 18 décembre 2019 à la Bourse du travail de Ouagadougou la 2e assemblée générale nationale autour de l’ordre du jour suivant :
1. Le bilan des décisions de la rencontre nationale du 17 août 2019 ;
2. L’évolution de la situation nationale ;
3. Les taxes et impôts injustes dans le projet de loi portant Budget gestion 2020.
Au total, 300 responsables de structures membres de l’UAS venus des 13 Régions, ont effectivement pris part à cette importante rencontre et examiné les questions inscrites à l’ordre du jour.
Dans son mot d’ouverture, le Président de mois de l’UAS a demandé une minute de silence à la mémoire des victimes du terrorisme et des camarades décédés depuis la rencontre nationale du 17 août 2019. Il a informé l’assemblée de l’envoi par un groupe de syndicats dénommé « Coalition des syndicats libres et indépendants » d’un avis de non-participation au motif qu’ils se sont déjà prononcé sur ces « questions d’actualité ».
L’assemblée en a pris acte. Elle a cependant tenu à rappeler que la revendication de la suppression de l’IUTS sur les primes et indemnités des travailleurs du privé est une revendication de l’UAS, contenue dans le cahier de doléances de 2015 signé de l’ensemble des secrétaires généraux des centrales syndicales et des syndicats autonomes et contenu dans le communiqué final de la rencontre Gouvernement/Syndicats de septembre 2015.
La date de tenue de cette assemblée générale coïncidant avec la commémoration du 44è anniversaire de la grève historique des 17 et 18 décembre 1975, l. Le président de mois a rappelé qu’en décembre 1975, les organisations syndicales de travailleurs avec le soutien des élèves et des étudiants ont mené une grève générale qui visait à contrer la tentative de mise en place par le régime du Général Sangoulé LAMIZANA, d’un parti unique appelé Mouvement National pour le Renouveau (MNR). La grève des 17 et 18 décembre a connu un succès immense : elle fit de Ouagadougou et des autres villes du pays ces jours – là, des villes-mortes et ébranla fortement le Gouvernement du Renouveau National (GRN) qui dut s’auto-dissoudre le 29 janvier 1976.
I. Du bilan des décisions de la rencontre nationale du 17 août 2019.
Il ressort du bilan fait de la mise en œuvre des décisions du 17 août 2019, que sSur l’élargissement de la base de la lutte, celui-ci a été réalisé à la faveur d’une initiative du MBDHP allant dans le même sens ;
la saisine du BIT sur les atteintes graves à la liberté syndicale a été effective. La plainte a été transmise au BIT le 30 août 2019 ;
La dynamisation des structures de l’UAS dans les régions avec le concours des structures nationales, le soutien de l’UAS aux luttes sectorielles et l’interpellation du gouvernement pour un examen sérieux des préoccupations des travailleurs de la santé au regard de la sensibilité dudit secteur n’ont pas été vraiment mises en œuvre.
L’exposé introductif, évoquant la situation nationale, a relevé que le contexte national est marqué par une aggravation notable de la situation sécuritaire et une multiplication des atteintes aux libertés démocratiques et syndicales.
L’insécurité constitue une préoccupation majeure pour les populations sur l’ensemble du territoire, particulièrement pour celles du Sahel, du Nord, de l’Est, du centre-nord et de la Boucle du Bouhoun. A ce jour, les attaques ont provoqué des centaines de tués parmi les populations civiles et les FDS, des déplacés internes dont le nombre atteint le chiffre effarant de 600 000, la destruction de nombreuses infrastructures et biens.
L’aggravation de la situation sécuritaire survient malgré les nombreux changements opérés au niveau des ministères de la défense et de la sécurité et de l’Etat-major général de l’armée, malgré le vote d’une loi de programmation militaire qui a augmenté de façon significative les budgets consacrés à la Défense et à la Sécurité.
Aujourd’hui, le pouvoir MPP, tout comme les autres pouvoirs des pays du G5 Sahel s’en remettent à la ‘’communauté internationale’’, notamment à la France dont l’intervention coïncide ces derniers mois avec une aggravation de l’insécurité. Après soixante ans d’indépendance’’ et de ‘’coopération militaire’’ avec la France, les forces françaises jouent encore un rôle de premier plan dans la conduite de la politique de défense.
Avec sa force Barkhane constituée de quatre mille cinq cents (4500) hommes, l’armée française se comporte comme en territoire conquis (mouvements incessants à travers le territoire national, survol de l’espace aérien). La récente correspondance adressée par le Chef d’Etat-major général des Armées à l’attaché de défense de l’Ambassade de France vient confirmer à la fois la présence des forces militaires françaises sur notre territoire et la totale liberté d’action qu’elles se donnent.
D’ailleurs, la France est à la base d’abord de la constitution du G5 Sahel dont les activités jusque-là sont faites essentiellement de rencontres supervisées par elle. C’est la même France qui estime aujourd’hui qu’il faut associer d’autres pays notamment de l’Union européenne.
Tous ces éléments traduisent une domination de notre pays et constitue l’expression d’un néocolonialisme. L’exposé a illustré la domination de l’impérialisme français sur les pays de la sous-région par deux faits :
1. c’est la ministre française des armées, Mme Florence Parly qui est venue annoncer à Ouagadougou le lancement d’une grande opération dénommée « Bourgou 4 » dans la zone dite des trois frontières entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger ;
2. le 04 décembre dernier, le Président français, M Emmanuel Macron, en réaction aux dénonciations de la présence militaire française dans la plupart des pays, du G5, s’est drapé de son manteau de maitre pour convoquer les chefs d’Etat des pays regroupés du G5 Sahel à une rencontre dite de clarification à Pau en France le 16 décembre !
L’ attaque contre le camp nigérien de INATES qui a fait 71 militaires tués a servi de prétexte au report de la rencontre au 13 janvier 2020. Réunis à Niamey en prélude à cette rencontre, les chefs d’Etats annoncent clairement qu’il s’agira pour eux d’aller à Pau supplier la France de renforcer sa présence et de demander l’appui de la ‘’communauté internationale’’. Cette situation justifie amplement la revendication sur le départ des bases militaires étrangères de notre pays.
Evoquant les appels à une trêve sociale et à un effort de guerre, l’’Assemblée générale a noté que ces demandes vis-à-vis du mouvement syndical sont faites pendant que des atteintes graves sont portées contre les libertés et que les masses laborieuses, sont soumises à une pression fiscale accentuée à travers diverses mesures qui se succèdent les unes aux autres. Comme exemples, elle a cité les les tentatives de passage en force menées par le pouvoir pour imposer l’application d’une part de l’IUTS sur les primes et indemnités des travailleurs du public et d’autre part l’Assurance maladie Universelle devant entraîner des ponctions sur les salaires des travailleurs des différents secteurs d’activités.
Quant aux atteintes aux libertés, elles sont marquées par des assassinats ou tentatives d’assassinat de responsables d’organisations de la société civile, l’interdiction d’activités de partis politiques, la remise en cause des sit-in, l’interdiction et la répression des marches du Collectif d’organisations syndicales et de la société civile, le refus de délivrer son récépissé à l’Alliance Police Nationale (APN) malgré les décisions de justice y relatives, la radiation de responsables syndicaux, les affectations punitives de nombreux responsables et militants syndicaux, les coupures de salaires abusives et illégales de travailleurs en lutte, le non-respect des engagements contenus dans les protocoles d’accord, etc.
Ces atteintes aux droits et aux libertés se déroulent dans un contexte de prédation tous azimuts des richesses, rappelant les heures les plus sombres du pouvoir maffieux du régime Compaoré.
A propos des taxes et impôts injustes qui frappent les travailleurs et les populations, l’exposé a d’abord rappelé qu’après le rendez-vous manqué de juillet 2019 sur la question de l’IUTS, le président du comité bipartite a transmis par mail un document intitulé ‘’historique de l’IUTS et position du gouvernement sur le préalable relatif à l’application de l’IUTS’’ et dans lequel le gouvernement appelle « l’ensemble des employeurs y compris l’Etat et ses démembrements à prendre les mesures idoines nécessaires pour appliquer les dispositions légales en vigueur sur les traitements et salaires servis aux travailleurs des secteurs publics et privés. », ce qui indique qu’il ne s’agit pas d’une proposition. D’ailleurs, le Premier ministre, M. Joseph Marie DABIRE, a déclaré, au cours de la 3e session du Bureau politique national (BPN) du MPP le 28 septembre 2019 que l’IUTS sur les primes et indemnités serait appliqué en 2020.
Le 10 décembre 2019, l’UAS a reçu officiellement une correspondance du Ministre de la Fonction Publique du Travail et de la protection Sociale en même temps qu’un communiqué final et une proposition de 5 centrales syndicales. Le pouvoir, passant sous silence son attitude de dilatoire face au mouvement syndical, s’est fendu d’un communiqué lu à la Télévision nationale sur le simple fait que le Porte-parole de l’UAS ait envoyé une correspondance pour solliciter le report d’un RDV qui coïncidait avecait la tenue de la présente rencontre qui est capitale pour les travailleurs. Bien évidemment l’objectif visé est présenter le mouvement syndical comme belliqueux, opposé au dialogue autour des préoccupations des travailleurs. Voilà comment le pouvoir MPP conçoit la question du dialogue social qui est utilisé pour tenter de discréditer et caporaliser le mouvement syndical.
Ensuite, sur la base de simulation des dispositions que prévoit le gouvernement sur cette question, l’exposé a montré que :
pour les fonctionnaires de catégories P1, P2, U, A et B, l’impact additionnel des nouvelles impositions (Ecart de surplus d’IUTS à payer) varie respectivement par mois de plus de 175 000 à 6 000. Les petites catégories C, D et E n’en seront pas épargnées avec des augmentations d’IUTS de plus 5 700 à 1 000 F. Pour certains corps bénéficiant d’indemnités spécifiques l’impact sera encore plus importante (Professeurs d’universités, catégorie P, magistrats, agents des finances, santé, corps militaires et paramilitaires (police, douane, etc.) ;
pour les travailleurs du privé, le rehaussement des tranches d’exonération des indemnités n’a pas d’impact significatif sur l’IUTS à payer. Pour des salaires de 1 à plus de 500 000 F, l’IUTS à payer ne diminue pas. La diminution maximale se situe à peine à 8 000 F et ce pour des salaires allant de 1 000 000 à 5 000 000 F et plus.
A cette question, il faut ajouter d’autres taxes et impôts tels que :
l’Assurance Maladie Universelle (AMU) ; initiative à laquelle le mouvement syndical n’a pas été associé et pour laquelle il est prévu un prélèvement de 4% à 6% des salaires sans aucune garantie de prise en charge conséquente et effective ;
la taxe sur les véhicules à moteur (TVM) ancienne TDC supprimée en 2011 et dont l’imposition a été reconduite en 2019 sous cette nouvelle appellation alors qu’elle est déjà intégrée dans la TPP ;
- Le renouvèlement des plaques d’immatriculation ;
- Le renouvèlement des cartes grises ;
- Le renouvellement des permis de conduire ;
- L’augmentation des frais de scolarité dans la majeure partie des établissements d’enseignements privés ;
- Etc.
L’ Assemblée générale a relevé que le pouvoir MPP tout en excellant dans la création de nouvelles taxes, reste à contrario médiocre dans la bonne gouvernance notamment la lutte contre la corruption et le pillage des richesses nationales. L’argument du manque de ressources pour pressurer les travailleurs n’est pas fondé.
En effet, il ressort des manques importants à gagner sur les recettes fiscales au titre du budget de l’Etat. De même, le contrôleur d’Etat indique que les signaux sont au rouge en matière de corruption dans notre pays. Pour preuve, pendant que des appels tout azimuts sont faits pour contributions financières au profit des forces de sécurité, le Contrôleur Général d’Etat révèle : « un des problèmes que nous posons chaque fois au gouvernement, est la question du secret-défense. Normalement, nous sommes fondés pour contrôler l’utilisation de l’argent public. Or, quand nous sommes en contrôle au ministère de la Défense, on nous sort chaque fois le secret-défense. Et quand nous demandons les documents légaux qui montrent que tel ou tel aspect tombe sous le coup du secret-défense, on nous dit : c’est comme ça… »
Les participants se sont engagés à défendre conséquemment sur le terrain la revendication sur l’IUTS telle que formulée plus haut. Enfin, l’assemblée a examiné les préoccupations importantes de l’heure du mouvement syndical. Il s’agit entre autres :
du blocage de la révision du Code du Travail ;
De la non mise en œuvre d’engagements importants du gouvernement relatifs notamment au check off, aux permanents syndicaux, à la signature et la mise en œuvre de l’arrêté portant tarifs de transport pour les agents publics affectés, à la mise en place d’un fichier informatique du foncier, à la prise des textes et mesures d’application de la loi N° 033-2009/AN du 16 juin 2009 portant régime foncier rural, à l’adoption des différents textes nécessaires à la mise en œuvre des élections professionnelles, au relèvement des salaires des travailleurs du privé, à la finalisation de l’étude en vue de la prise en compte des indemnités et autres accessoires dans le calcul de la pension des fonctionnaires, , à la réouverture des gares ferroviaires, à la prise sans délais de mesures nécessaires, en vue de recouvrer l’ensemble des biens et fonds expatriés, au passage de la RTB et des Editions Sidwaya au statut de sociétés d’Etat, à l’instauration de l’équité salariale dans la fonction publique, etc.
Au regard de ce qui précède, l’assemblée a retenu de :
renforcer le travail de mobilisation des travailleurs à la base autour de leurs préoccupations à travers l’organisation d’assemblées générales sectorielles, un meilleur fonctionnement des structures au niveau local, le rejet des actions de division des travailleurs, faire un appel à la mobilisation des travailleurs, etc. ;
poursuivre le travail d’élargissement de la base de la lutte autour des questions de défense des libertés et des acquis sociaux ;
engager des actions de lutte pour la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs ;
relancer le gouvernement pour la reprise de la rencontre gouvernement/syndicats avec au centre la revendication sur l’IUTS telle qu’elle est contenue dans le cahier de doléances ;
poursuivre la mise en œuvre des conclusions de l’assemblée générale du 17 août 2019.
L’assemblée générale