Connu comme un « juste » pour avoir sauvé un millier de personnes lors du génocide des Tutsis, Paul Rusesabagina était devenu un critique virulent du président Paul Kagame. La justice rwandaise l’a condamné ce lundi 20 septembre à 25 ans de prison pour terrorisme.
Le parquet avait requis la réclusion à perpétuité. La Haute cour pour les crimes internationaux a finalement prononcé une peine de 25 ans d’emprisonnement. Paul Rusesabagina a été reconnu coupable d’avoir été membre d’une organisation terroriste et d’avoir commis des actes terroristes, rapporte notre correspondante à Kigali, Laure Broulard.
En tant que président de la plateforme d’opposition en exil MRCD, dont la branche armée, le FLN, a revendiqué plusieurs attaques dans le sud du Rwanda en 2018 et 2019, Paul Rusesabagina était accusé d’être impliqué dans la mort de neuf Rwandais. Lui a toujours assuré que son rôle au sein du mouvement était limité à la diplomatie et a rejeté toute implication directe dans les attaques.
Un procès controversé
Le 27 août 2020, Paul Rusesabagina, qui réside alors aux États-Unis, entreprend un voyage vers le Burundi avec une escale à Dubaï. Sa famille ne parvient plus à le joindre. Quatre jours plus tard à Kigali, les autorités rwandaises le présentent menotté à la presse. Pour la famille de Paul Rusesabagina, c’est un enlèvement mais pour Le Rwanda c’est une opération irréprochable au cours de laquelle l’opposant a été dupé. Très vite, des ONGS, mais aussi le parlement européen expriment des inquiétudes quant aux conditions de son arrestation et à l’équité de son procès. Il n’était pas présent pour écouter le verdict ce lundi, lui et sa défense boycottent en effet les audiences depuis le mois de mars, estimant le procès non équitable.
« Ce long procès a fait la lumière sur les activités terroristes du FLN dirigé par Paul Rusesabagina », a déclaré Yolande Makolo, la porte-parole du gouvernement rwandais, ajoutant que « les preuves contre les accusés étaient indiscutables, et que le peuple rwandais va se sentir en sécurité maintenant que justice a été rendue ».
Le porte-parole du bureau du procureur rwandais a par ailleurs tenu à répondre à ceux qui émettent des doutes sur l’équité du procès. « Le procès s’est tenu en public. Et le parquet comme la totalité des suspects ont eu assez de temps pour présenter leurs remarques à la Cour. Donc je pense que l’équité du procès n’est pas un problème, a assuré Faustin Nkusi. Et, puis, ce n’est pas la première fois que la justice rwandaise juge de ce genre d’affaire. De nombreux dossiers ont été transférés ici par d’autres pays. Des pays européens mais aussi les États-Unis, le Canada ou encore le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Donc cette Cour a jugé beaucoup d’affaires. Donc on ne peut pas dire que le procès n’est pas équitable ».
Critiques de la Belgique
La Belgique – dont Paul Rusesabagina possède également la nationalité – n’a pas tardé à réagir. « Malgré les appels répétés de la Belgique à ce sujet, force est de constater que M. Rusesabagina n’a pas bénéficié d’un procès juste et équitable ; particulièrement en ce qui concerne les droits de la défense », a indiqué dans un communiqué la ministre belge des Affaires étrangères Sophie Wilmès, estimant que « la présomption d’innocence n’a pas été respectée », et que « ces éléments de facto remettent en question le procès et le jugement ».
C’est un jugement auquel on s’attendait. C’est un verdict qui aurait pu être écrit la veille du début du procès.
Maître Vincent Lurquin, l’avocat de Paul Rusesabagina
Amélie Tulet
Mme Wilmès doit s’entretenir avec son homologue rwandais, Vincent Biruta, à New York cette semaine, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, est-il précisé. « En attendant, la Belgique reste en contact étroit avec M. Rusesabagina », ajoute le communiqué.
Les États-Unis, qui lui ont décerné la médaille présidentielle de la liberté en 2005, se sont dit « préoccupés » par cette condamnation. « L’absence de garanties d’un procès juste remet en cause l’équité du verdict », a indiqué le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price.
Sa fille adoptive Carine Kanimba a dénoncé depuis la Belgique un verdict « décidé » par le président Paul Kagame, l’accusant d’avoir « kidnappé » son père.