Suite à l’audition de son correspondant au Burkina Faso, le mardi 24 janvier 2023, la chaîne de télévision « France 24 » diffusée via les bouquets du distributeur de services audiovisuels “Canal+” est mise en demeure de respecter les principes déontologiques, notamment, le respect de l’exactitude et de la vérité des faits.
Le Conseil supérieur de la Communication a mis en demeure la télévision française France 24, pour avoir attribué injustement au gouvernement burkinabè, le terme «rebelles islamiques», en lieu et place de groupes armés terroristes qui avaient enlevé une soixantaine de femmes en mi- janvier, dans le Nord du Burkina.
Dans sa décision du 7 février 2023, le CSC prévient France 24 qu’en cas de manquement similaire, elle s’exposera à des sanctions de degré supérieur notamment la suspension de la diffusion de ses programmes au Burkina Faso.
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BURKINA FASO
Unité – Progrès – Justice
DECISION N02023- 00 6 /CSC portant mise en demeure de la télévision « France 24 » de respecter les règles et les principes professionnels du traitement de l’information au Burkina Faso
« LE CONSEIL SUPERIEUR DE LA COMMUNICATION
VU la Constitution •
VU la Charte de la Transition du 14 octobre 2022 ;
VU la loi organique n0015-2013/AN du 14 mai 2013 portant attributions, composition, organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la communication et son modificatif ;
VU la loi n0 059-2015/CNT du 04 septembre 2015 portant régime juridique de la radiodiffusion sonore et télévisuelle au Burkina Faso et son modificatif ;
VU le décret 1102018-0653/PRES/PM du 25 juillet 2018 portant nomination des membres du Conseil supérieur de la communication ;
VU le décret 1102022-0179/PRES-TRANS/PM du 13 mai 2022 portant nomination des membres du Conseil supérieur de la communication ;
VU le décret n02022-0220/PRES-TRANS/PM du 25 mai 2022 portant nomination d’un membre du Conseil supérieur de la communication ;
VU le décret 1102022-1045/PRES/PM du 05 décembre 2022 portant nomination du Président du Conseil supérieur de la communication ;
VU le décret 1102018-1177/PRES/PM du 26 décembre 2018 portant organisation et fonctionnement du Collège des Conseillers et des services administratifs du Conseil supérieur de la communication •
VU l’arrêté no 2019-001/CSC/CAB du 10 janvier 2019 portant règlement intérieur du Collège des Conseillers du Conseil supérieur de la communication ;
VU la fiche de collecte des manquements des services d’observation du monitoring et la note d’étude de la Direction de l’Instruction des Plaintes et des Etudes de janvier 2023 •
VU la lettre n02023-0044/CSC/SG/DIPE/td du 20 janvier 2023 portant convocation à une audition, adressée au Correspondant de France 24 au Burkina Faso ;
VU le rapport d’audition de la Commission en charge de la liberté de la presse, du pluralisme, de l’éthique et de la déontologie du Conseil supérieur de la communication du 24 janvier 2023 •
VU la délibération n 0003/CSC du 06 février 2023 portant mise en demeure de la télévision France 24, de respecter les principes professionnels du traitement de
I ‘ information.
Sur saisine de l’Autorité de régulation :
Attendu que le Conseil supérieur de la communication (CSC) a été interpellé par le Gouvernement à l’effet de statuer sur une information diffusée par la chaine de télévision « France 24 », le 16 janvier 2023, à travers sa bande défilante ; Que cette chaine de télévision est principalement reçue au Burkina Faso via les bouquets du distributeur de services audiovisuels « Canal+ » ;
Que l’information était relative à l’enlèvement des femmes par des groupes armés terroristes les 12 et 13 janvier 2023 à Arbinda, province du Soum, Région du Sahel ; Qu’en rappel, par communiqué n02023-01/MATD/R-SHL/G/CAB du vendredi 16 janvier 2023, le Gouverneur de la Région du Sahel informait l’opinion publique de ce qu’une cinquantaine de femmes ont été enlevées par des Groupes Armés Terroristes dans deux localités d’Arbinda pendant qu’elles étaient à la recherche de fruits sauvages ;
Attendu que cette information a été diffusée par la télévision « France 24 » à travers une image caricaturale présentant trois (03) personnages tenant chacun une arme de guerre à la main et accompagnée par la bande défilante suivante : « Des rebelles islamiques ont enlevé une cinquantaine de femmes jeudi et vendredi dans le Nord du pays (Gouvernement burkinabè) » ;
Qu’il est clair que la qualification utilisée par la télévision « France 24 » pour désigner les auteurs de ces enlèvements est erronée et prête à confusion ; Qu’en effet, en qualifiant ces auteurs de « Rebelles Islamiques », la télévision « France24 » tend à donner une certaine reconnaissance à une lutte éventuelle menée par un groupe de rebelles pour une cause connue ; Qu’alors que le communiqué du Gouverneur du Sahel précise qu’il s’agit de « Groupes Armés Terroristes » dont les modes d’action et opératoire sur le terrain ne sont pas à confondre avec des rebelles •
2Que par ailleurs, dans la bande défilante en cause, la télévision « France 24 » attribue au Gouvernement l’information inexacte qui y est mentionnée ; Qu’et pourtant aucun passage du communiqué du Gouverneur de la Région du Sahel ne fait cas de cette terminologie « Rebelles Islamiques » ;
Qu’ainsi, la fausse qualification des auteurs de l’enlèvement et l’attribution de cette information inexacte au Gouvernement, en l’identifiant comme étant la source, dénotent d’un mauvais traitement de l’information par la télévision « France 24 » ;
Attendu qu’ayant été convoqué par lettre 1102023-0044/CSC/SG/DIPE/td du 20 janvier 2023 et joint téléphoniquement par les services techniques du CSC, le correspondant de « France 24 » au Burkina Faso, monsieur Bangaly TOURE, a été auditionné par la Commission en charge de la liberté de la presse, du pluralisme, de l’éthique et de la déontologie du Conseil supérieur de la communication, le 24 janvier 2023, au siège de l’Instance de régulation ;
Qu’il ressort de ses réponses que les termes employés dans la bande défilante font suite à une erreur de traduction, de l’anglais au français, d’une dépêche reçue de l’Agence Reuters ;
Qu’il a ajouté que le Gouvernement du Burkina Faso, à travers le Ministre en charge de la communication, l’avait interpellé par rapport aux termes utilisés ; Qu’il en a rendu compte à sa rédaction, dès cet instant, et l’information a été supprimée de la bande défilante ;
Attendu qu’il reste constant que cette information relative à l’enlèvement d’une cinquantaine de femmes dans le Sahel n’a pas été rigoureusement traitée par la télévision « France 24 » dans la bande défilante en cause, notamment à travers les fausses qualifications des ravisseurs et la source erronée ; Que cela est constitutif d’un manquement aux règles et principes professionnels du journalisme qui prescrivent le respect de l’exactitude et de la vérité des faits. Qu’à titre de rappel, la Charte internationale de Munich du 24 novembre 1971 consacre comme premier devoir du journaliste de « respecter la vérité, quelle qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité ». Qu’au demeurant, la charte du journaliste français élaborée par le Syndicat national des
journalistes en 1918, révisée en 1938, stipule que le journaliste tient la calomnie, les accusations sans preuves, l’altération des documents, la déformation des faits, le mensonge, pour les plus graves fautes professionnelles ; Que ces mêmes exigences professionnelles sont contenues dans la charte du journaliste burkinabè de 1990 •
Qu’au demeurant, l’information contenue dans la bande défilante est inexacte et peut être qualifiée de fausse information telle que définie à l’article 312-13 de la loi n0 0442019/AN du 21 juin 2019 portant modification de la loi n0 025-2018/an du 31 mai 2018 portant Code pénal ; Qu’en effet, au sens de l’alinéa 2 de l’article sus cité, « la fausse information est toute allégation ou imputation inexacte ou trompeuse d’un fait. »
Que l’article 130 de la loi 059-2015/CNT du 04 septembre 2015 portant régime juridique de la radiodiffusion sonore et télévisuelle au Burkina Faso va dans le même sens en renvoyant au Code pénal, la répression de la diffusion des fausses informations par un média audiovisuel ;
Qu’enfin, au regard du contexte d’insécurité grave dans lequel le Burkina Faso est plongé, la qualification des auteurs de l’enlèvement de « Rebelles Islamistes » par une chaine de télévision internationale telle que « France 24 » prend un caractère sérieux en ce qu’elle peut fragiliser davantage la coexistence pacifique des religions et compromettre l’action des autorités burkinabè dans leurs efforts de promotion de la cohésion sociale et de lutte contre le terrorisme ; Que ce contexte difficile doit interpeller la responsabilité sociale de tout média crédible diffusé ou reçu au Burkina
Faso ;
Attendu qu’aux termes de l’article 4 de la loi organique no 015-2013/AN du 14 mai 2013 portant attributions, composition, organisation et fonctionnement du CSC et son modificatif n0 004-2018/AN du 22 mars 2018, l’autorité de régulation a, entre autres, pour attributions de :
veiller à l’application de la législation et de la réglementation relative à la communication au Burkina Faso et au respect de l’éthique et la déontologie professionnelle par les médias ;
4
veiller au respect des principes fondamentaux régissant le contenu des productions des médias •
Que l’article 46 de la loi organique n0015-2013/AN du 14 mai 2013 sus citée prévoit que « tout manquentent aux dispositions législatives et réglementaires régissant les activités de communication fait l’objet d’une mise en demeure du CSC ».
Par ces motifs,
Et après avoir auditionné le Correspondant de « France 24» au Burkina Faso le 24 janvier 2023 et en avoir délibéré au cours de la deuxième session ordinaire du Collège des Conseillers par délibération n02023-003/CSC du 06 février 2023.
DEC IDE
Article 1:
La Télévision « France 24 » diffusée principalement au Burkina Faso via les bouquets du distributeur de services audiovisuels « Canal+ », est mise en demeure de respecter les principes déontologiques notamment le respect de l’exactitude et de la vérité des faits.
Article 2
En cas de manquement similaire, conformément à l’article 46 de la loi organique n0015-2013/AN du 14 mai 2013 portant attributions, composition, organisation et fonctionnement du CSC et son modificatif n0 004-2018/AN du 22 mars 2018, la télévision « France 24 » s’expose à des sanctions de degré supérieur notamment la suspension de la diffusion de ses programmes au Burkina Faso.
5
Article 3
Le Secrétaire général du Conseil supérieur de la communication est chargé de l’application de la présente décision qui sera notifiée au média fautif et publiée au
Journal Officiel du Faso.
Ouagadougou, le 70-7 2023
Pour le Conseil supérieur de la communication.
Le Président
Ont siégé :
l. Monsieur Abdoulazize BAMOGO, Président ; 2. Madame Eugénie YAMEOGO, Vice-présidente •
3. Monsieur Séni DABO, Conseiller Rapporteur
4. Madame Jeanne COULIBALY, Conseiller ;
5. Monsieur Ismaël NIGNAN, Conseiller ;
6. Monsieur Mamadou Ali COMPAORE, Conseiller
7. Monsieur Bobar Félix KAMBIRE, Conseiller
8. Madame Wendinmi Valérie BONKOUNGOU/SAOUADOGO, Conseiller