L’affaire du journaliste d’investigation Ignace Sossou a connu son épilogue le mardi 19 mai 2020. La Cour d’appel de Cotonou l’a condamné à douze mois de prison, dont six mois ferme, ainsi qu’à une amende de 500 000 francs CFA pour trois tweets dans lesquels il rapportait des propos du procureur de la République, Mario Mètonou, lors d’une conférence organisée par l’Agence française de coopération médias (CFI) dans la capitale du Bénin sur les infox.
Les arrestations de journalistes à l’échelle mondiale se multiplient de jour en jour. L’Afrique subsaharienne n’échappe pas à la règle. Le 20 décembre 2019, Ignace Sossou, journaliste à Benin Web TV, par ailleurs membre de la Cellule Norbert-Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest, a été arrêté et condamné à 18 mois de prison ferme le 24 décembre 2019, assortis d’une amende de 200 000 F CFA, par le Tribunal de première instance de Cotonou. Il a été jugé pour avoir relaté sur Twitter et Facebook, des propos du procureur de la République, Mario Mètonou, dans le cadre d’un séminaire consacré à la lutte contre les infox en période électorale.
Cette condamnation a été dénoncée par des associations de défense de la liberté de la presse, notamment Reporters sans frontières et Internet sans frontières, pour qui les accusations sont infondées, comme le prouve la retranscription des propos du magistrat (ultérieurement fournie par CFI Média). Les défenseurs d’Ignace Sossou estiment également qu’il s’agit d’une attaque contre la liberté de la presse sous couvert de lutte contre la désinformation.
Pour avoir mis de l’huile sur le feu, à travers le courrier privé adressé aux autorités judiciaires du Bénin, CFI a fait son mea culpa et s’est indigné d’avoir été instrumentalisée dans cette affaire. Les avocats d’Ignace Sossou ayant fait appel, la Cour d’appel de Cotonou a rendu son verdict, le mardi 19 mai 2020 : une peine de douze mois de prison, dont six mois ferme, contre le journaliste détenu depuis le 20 décembre 2019.
Le dossier de l’accusation est « d’un vide sidéral », a déclaré à RFI Me William Bourdon, l’un de ses avocats, après le verdict. « C’est toujours une tactique, dans des pays autoritaires, ou qui dérivent vers des régimes autoritaires, en cours d’appel, de donner le sentiment d’une certaine mansuétude en diminuant la peine. Mais évidemment, tout ça est un artifice pour essayer de gommer le caractère insensé de cette condamnation », a-t-il expliqué.
Pour Me Bourdon, Ignace Sossou est « un homme qui a fait son métier de journaliste, et que son métier de journaliste, qui a reproduit les propos d’un procureur, et qui se retrouve criminalisé et victime d’un acharnement qui est totalement invraisemblable.
Enfin, c’est Ubu plus Kafka, cette histoire ! ». Il n’a pas manqué de qualifier cette affaire d’« incroyable dérapage judiciaire » et de « mauvais signal envoyé par ce pays, qui vient conforter des soupçons d’une dérive autoritaire qui, chaque jour, semble se confirmer ». Avec la réduction de sa peine par la Cour d’appel de Cotonou, Ignace Sossou sera mis en liberté en juin prochain.