Georges Perros disait : « La vérité existe. On n’invente que le mensonge ». C’est ce qu’on pourrait retenir du rapport d’Inata qui continue d’être des préoccupations sérieuses. Que n’a-t-on pas entendu sur ce fameux rapport qui n’a jusque-là pas été rendu public ?
Nombre de personnes soutiennent mordicus que si son contenu est publié, la Transition s’écroulerait comme un château de cartes parce qu’il mettrait gravement en cause des officiers acteurs du changement de régime le 24 janvier 2022. Il y a toutes sortes de spéculations et de fantasmes autour de ce document qui continue de défrayer la chronique.
Aux premières heures du drame d’Inata, au sortir du conseil des ministres du 17 novembre 2021, le porte-parole du gouvernement d’alors Ousséni Tamboura avait déclaré que les premiers éléments de l’enquête montrent que le détachement était confronté à des problèmes de logistiques et de ravitaillement en vivres. Et pourtant, l’enquête soutient le contraire sur la base des constats faits sur place.
En effet, le rapport produit par l’inspecteur général des forces armées nationales, le colonel-major Kéré Wendwaogo et remis en son temps au chef de l’Etat Roch Marc Christian Kaboré indique qu’il y avait bel et bien des vivres sur le site d’Inata. Et ces vivres ont même été retrouvés sur la base après l’attaque violente qui a fait plus d’une cinquantaine de gendarmes et de civils tués et de nombreux blessés dont des cas graves. On pourrait donc dire que les informations faisant état de ce que les pandores tuaient des animaux sauvages et des chiens errants pour s’alimenter étaient simplement des fausses informations.
A l’époque l’émotion et l’indignation étaient si fortes que le politique a sans doute opté de ne pas communiquer sur la réalité des faits et a plutôt choisi de relever le commandant de la première région de gendarmerie de Kaya, le colonel Kondé Nawiè Bérenger et le commandant du groupement du secteur Nord le colonel Yves Patrick Ouédraogo.
Les deux officiers ont été des moutons de sacrifice pour calmer l’opinion publique. Les éléments en poste à Inata n’y sont pas pour des opérations de lutte contre le terrorisme mais pour des missions de sécurisation de la mine d’Inata qui existe bien avant l’avènement du terrorisme dans notre pays. Dès lors, il n’y avait pas de lien hiérarchique entre le détachement d’Inata et les deux colonels qui ont été limogés par le Président du Faso d’alors Roch Marc Christian Kaboré.
Les gendarmes qui ont perdu la vie à Inata attendaient une relève qui tardait à venir. Ils demandèrent alors qu’on leur fasse un complément de vivres. Deux rotations ont même été effectuées par hélico pour leur venir en soutien. Mais l’attente de la relève a été plus longue que prévue. Ils étaient excédés et exténués d’attendre leurs frères d’armes stationnés à Djibo qui n’ont pas accepté de poursuivre le voyage par la route compte tenu des dangers réels en présence, notamment des mines et d’éventuelles embuscades.
Il faut savoir qu’Inata est dans une position avancée, donc proche de la frontière malienne. Les soldats, épuisés, étaient devenus vulnérables face à toute attaque terroriste. Et ce qui devait arriver arriva.
Nous sommes tous responsables à des degrés divers, bien entendu, du drame d’Inata. Au lieu d’encourager nos soldats à tenir malgré les difficultés, nous avons contribué à diffuser, par exemple, des informations erronées et à faire du tapage médiatique sur la situation. Ainsi, nous les avons
exposés aux groupes armés qui ont pu récolter des informations précieuses sur leur état d’esprit et leur moral dans les chaussettes.
C’ est pourquoi, nous devons tous, dans ce contexte de lutte contre le terrorisme, collaborer avec nos forces de défense et de sécurité (FDS), défendre leur cause, tout en évitant de les jeter en pâture à l’ennemi en rendant publiques certaines données. Certes, il y a des alertes qui ont permis aux FDS d’agir efficacement mais il y a des moments aussi où on donne, parfois de bonne foi, des informations stratégiques à l’ennemi.
Il y a eu bien entendu des dysfonctionnements et des problèmes de discipline mal gérés dans ce drame d’Inata mais ce qui a été déterminant c’est, d’une part, la longue attente de la relève qui a impacté sur le moral des hommes et les a rendus vulnérables et, d’autre part, la diffusion d’informations erronées qui ont permis aux terroristes de savoir que le détachement était une cible molle à portée de tir.
Le drame d’Inata pose en réalité le problème des services payés au sein des forces militaires et paramilitaires. Autrement dit, il s’agit de la question de la gestion des conventions signées entre les sociétés et les entités de sécurité au niveau étatique.
Nous invitons le ministère de la Défense et des Anciens combattants à communiquer publiquement sur le contenu des rapports d’Inata pour que l’opinion sache, d’une part, qu’il y a des moments où on mène des polémiques inutiles et négatives sur des sujets dont on n’a pas toujours tous les éléments d’appréciation et, d’autre part, que toute la vérité soit connue des familles des victimes pour qui nous avons une pensée profonde. Que Dieu apaise leurs cœurs et guérisse les blessés qui ont subi des traumatismes physiques et psychologiques.
Adama Ouédraogo dit Damiss
Journaliste et écrivain
Journal Le Dossier