Depuis le début de l’année 2021, l’on assiste au renchérissement des prix des produits de grande consommation, notamment les céréales et autres denrées alimentaires. Alors que le monde sort peu à peu du marasme économique dans lequel la maladie à coronavirus l’avait plongé depuis le début de l’année 2020 (la Banque mondiale prévoit même 5,6% de croissance mondiale en cette année 2021), un autre phénomène touche de plein fouet les économies des pays au Sud du Sahara. Quels sont les facteurs explicatifs de la hausse des prix des produits de grande consommation ? Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour face à la situation ? Eléments de réponse.
C’est un constat sans appel : les chiffres mondiaux de l’augmentation des prix des denrées alimentaires sont très inquiétants. L’Indice FAO s’est établi en moyenne à 127,1 points en mai 2021, soit 39,7% de plus qu’en mai 2020. Toujours selon la FAO, cette augmentation des prix alimentaires est la plus importante depuis 2011, année record et c’est en particulier la flambée des prix des huiles végétales, du sucre et des céréales qui en est à l’origine. Pour l’Afrique de l’Ouest, les prix des denrées alimentaires sont en augmentation dans toute la région, comparés à la moyenne des cinq dernières années, que ce soit pour des denrées importées ou non. Les produits alimentaires locaux ont par exemple augmenté de près de 40% dans la région.
Mais qu’est-ce qui peut bien expliquer cette situation ?
Première cause, la reprise de l’activité économique avec pour corollaire le renchérissement du trafic maritime, après des mois d’arrêt à cause de la COVID-19. Il faut savoir qu’environ 80 % des biens consommés dans le monde sont transportés par des navires, ce qui fait que les coûts des porte-conteneurs ont un impact particulier sur le commerce mondial. En effet presque tous les produits manufacturés (vêtements, médicaments et produits alimentaires transformés entre autres) sont expédiés dans des conteneurs.
Ainsi, les taux de fret qui étaient quasi stationnaires, ont connu une hausse soutenue depuis juin 2020 à nos jours. Le World Container Index est évalué à partir d’un ensemble de tarifs de fret de conteneurs sur 8 grands axes vers/depuis les États-Unis, l’Europe et l’Asie, pour un conteneur standard de 40 pieds. Ainsi, L’indice Drewry “World Container Index” a été multiplié par 3 par rapport au niveau moyen de la période 2017/2019.
Le cout du fret a connu une hausse vertigineuse de 800 dollars US en mars 2019 à 6500 dollars US en août 2021 pour les routes maritimes Asie/Europe/USA/Afrique. Pour le cas spécifique des importateurs burkinabè, le constat qui a été fait est que le coût de fret qui s’évaluait à 40 dollars la tonne se situe désormais autour de 110 dollars.
Au renchérissement des coûts du fret, il faut désormais intégrer, selon une étude de la CNUCED, une demande d’importation en biens de consommation manufacturés plus importante, dont une grande partie est transportée par porte-conteneurs maritimes. Cette situation est la résultante des mois de confinement qui a modifié substantiellement les habitudes de consommation et augmenté le commerce en ligne. Dans le même temps, les matières premières nécessaires pour la production de ces biens ont connu une pénurie liée à une explosion de la très forte demande chinoise, ce qui a pour conséquence les augmentations des prix fournisseurs ainsi que la longueur des délais de livraison. En effet, pendant 6 mois, la Chine, l’une des plus grandes productrices des denrées alimentaires n’a pas travaillé ainsi que beaucoup de pays dits « grands producteurs de produits manufacturiers ». Les grands producteurs ont connu des mois d’inactivités sans production à cause des mesures de confinement associées à la fermeture des frontières. Mais dès la levée progressive de ces mesures, le marché mondial a connu une hausse sans précédente de la demande des produits alimentaires et de matières premières, selon un rapport de l’OMC, en raison de la très forte demande soudaine de la Chine, ce qui a eu pour conséquence un déséquilibre de la balance de la production de ces produits et par ricochet, un renchérissement des prix sur le marché international.
Pour un pays comme le Burkina Faso, qui importe près de 70 % de sa consommation alimentaire selon les statistiques de la FAO, la conséquence directe de tous ces facteurs est la hausse des prix des produits importés, tels que l’huile alimentaire, le riz etc.
Qu’en est-il des denrées locales ?
Au premier semestre de l’année 2021, les prix du mil, du sorgho blanc et du mais ont connu une augmentation respectivement de 17%, 18% et 27% par rapport aux prix relevés à la même période en 2020. Les raisons de cette hausse sont essentiellement dues à la crise sécuritaire qui a impacté la disponibilité des céréales dans certaines zones à fort défi sécuritaire et les exportations frauduleuses du fait de la porosité de nos frontières malgré la suspension des autorisations spéciales d’importation.
De façon générale, selon l’Institut National de la Statistique et de la Démographie (INSD), l’indice harmonisé des prix à la consommation était de 3,9% entre février et mai 2021pour une norme communautaire fixée à 3% par l’Union Monétaire et Economique Ouest Africaine (UEMOA).
Les mesures prises par le gouvernement pour contenir cette flambée
Pour répondre aux défis du renchérissement des prix des produits de grande consommation, le gouvernement a mis en place des mesures de mitigation d’ordre conjoncturel et s’est engagé dans des mesures structurelles
Des mesures en cours de mise en œuvre
La première mesure conjoncturelle entreprise par le ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat a été de rassurer les consommateurs quant à la disponibilité et à la qualité des stocks par une surveillance accrue du marché. Ainsi les équipes des structures de contrôle sont à pied d’œuvre dans les 13 régions du Burkina. Parallèlement à ces actions de contrôle des prix réglementés et de la métrologie, les autorités du département dialoguent régulièrement avec les importateurs afin de lever d’éventuels goulots d’étranglement qui pourraient entraver l’approvisionnement régulier du pays.
De même, le MICA a intensifié la sensibilisation des opérateurs économiques sur le respect de la réglementation économique à travers l’organisation de sessions de sensibilisation dans les 13 régions du pays.
Par ailleurs, au-delà de la mesure qui avait été prise pour suspendre la délivrance des Autorisations Spéciales d’Exportation (ASE) des céréales locales afin d’éviter leurs sorties du territoire national, une mesure supplémentaire a été prise pour suspendre les ASE dont la validité était toujours en cours.
Toujours dans ce domaine, il faut souligner que la Société Nationale de Gestion des Stocks de Sécurité Alimentaire (SONAGESS) a ouvert à ce jour au total 208 points de vente à prix social approvisionnés régulièrement pour une quantité totale évaluée à 15559 tonnes, nonobstant les difficultés liées à l’inaccessibilité de certaines zones du fait de l’insécurité et de l’absence de voies d’accès.
Aussi, les Gouverneurs ont été mis à contribution pour fixer les prix des céréales locales dans leurs ressorts respectifs de compétence conformément aux dispositions règlementaires. A ce jour, sept (07) Régions ont vu les prix des céréales fixés par leurs Gouverneurs respectifs
En outre, le département a mené des actions de communication à travers l’animation de conférences et la participation à de nombreuses émissions radio et télé ainsi que l’organisation d’une rencontre d’information avec l’ensemble des animateurs des émissions interactives, tribunes où les facteurs explicatifs de la flambée des prix ainsi que les actions entreprises par le Gouvernement ont été communiquées. Dans cette même dynamique, des rencontres d’information ont été organisées le 10 août 2021 avec l’Alliance des Partis de la Majorité Présidentielle (APMP) et le 13 août 2021 avec le Chef de File de l’Opposition Politique (CFOP).Des diligences sont actuellement cours pour la tenue d’une rencontre d’information avec l’Union d’Action Syndicale au cours de ce mois de septembre.
Enfin, face à l’immensité de la tâche et des besoins en ressources humaines, 433 agents du MICA ont été assermentés pour renforcer la capacité des corps de contrôle.
Des mesures conjoncturelles engagées
Le Gouvernement a engagé un certain nombre de mesures conjoncturelles pour faire face à la flambée des prix. Il s’agit entre autre :
- du renforcement des capacités logistiques des structures de contrôle en termes de mobilité pour permettre le déploiement effectif des agents de contrôle sur toute l’étendue du territoire avec des acquisitions en cours de véhicules ;
- de la poursuite de l’approvisionnement des 208 points de vente de la SONAGESS et le développement d’initiatives pour la réalisation des ventes sur camions dans certaines communes non couvertes par des points de vente.
- Aussi, grâce aux fonds alloués pour la relance économique, c’est au total 1,5 milliards de francs CFA qui sont prévus dans le cadre de la dotation 2021 du guichet de l’Agence de Financement et de Promotion des Petites et Moyennes Entreprises (AFP-PME) pour soutenir les huiliers organisés autour de la grappe huilerie de Bobo-Dioulasso, à l’effet de mieux accompagner la structuration de la filière et de booster la production nationale d’huile.
- Le MICA travaille également à la dynamisation du cadre de concertation tripartite sur les produits de grande consommation qui est une instance de veille et de propositions regroupant un certain nombre de département ministériels, mais aussi la Ligue des Consommateurs, les syndicats et le secteur privé. La première rencontre est prévue se tenir au cours de ce mois de septembre.
Au-delà des mesures conjoncturelles ci-dessus proposées, le Gouvernement a engagé des actions structurelles pour permettre au Burkina Faso non seulement de sortir de la dépendance mais aussi de faire face aux chocs futurs.
C’est en cela qu’une des solutions structurantes privilégiées pour contenir la flambée des prix a été l’accroissement de la production nationale pour faire face au déficit d’offre.
Pour ce faire, les actions structurantes entreprises ont été vers entre autres vers :
- l’opérationnalisation de l’Initiative Présidentielle Produire un (01) million de tonne de riz ;
- l’amélioration de l’accessibilité aux variétés à haut rendement et l’adoption d’itinéraires techniques performants ;
- la promotion d’une mécanisation agricole intensive à travers la facilitation de l’accès aux technologies innovantes ;
- le soutien à la modernisation des infrastructures de production, de stockage, de transport et de commercialisation.
Pour faciliter la disponibilité et l’accessibilité des produits de grande consommation aux populations le Gouvernement travaille à l’aboutissement du projet de mise en place d’une centrale des produits de grande consommation dont l’étude de faisabilité a été bouclée.
Aussi, l’amélioration la durabilité et de la productivité du secteur et agricole nécessite l’instauration de politique publique en cohérence avec les principes d’une approche chaine de valeur. C’est en cela que des actions sont menées pour l’aboutissement de la loi portant organisation de la commercialisation et la transformation des produits des filières porteuses au Burkina Faso afin de résoudre les problèmes que vivent les filières porteuses via une meilleure coordination des interventions des différents acteurs directs et indirects dans les filières concernées.
Pour soutenir de manière structurelle l’accroissement de la production secondaire notamment industrielle plusieurs mesures ont été engagées conformément aux orientations stratégiques déjà définies dans la Stratégie Nationale d’Industrialisation. C’est en cela que le Gouvernement travaille à diligenter la mise en œuvre du Plan d’Industrialisation accélérée (PIA) devant se traduire par la concrétisation des projets d’investissements dans les trois (03) filières que sont le coton, le bétail-viande, les carrières et matériaux de construction. Pour ce faire, les projets d’amorçage en cours de maturation avec l’accompagnement des institutions financières de l’Etat dont le Fonds Burkinabè de Développement Economique et Social (FBDES).
Par ailleurs, le Gouvernement œuvre à l’accélération de l’implémentation du Projet de Renforcement du Capital Productif des Petites et Moyennes Entreprises (PRCP-PME) dans la mesure où ce projet contribuera fortement à accroitre la compétitivité des PME évoluant dans la transformation locale des matières premières.
En outre, une option a été prise pour l’implémentation du Programme « Une Région une unité de transformation agroindustrielle avec la maturation en cours d’un portefeuille de projets pilotes. Il s’agit entre autres des projets de mise en place d’unités de traitement de la tomate à Ouahigouya, Yako et Gourcy, la mise en place d’une unité de production de sucre dans l’agropole de Samendeni.
Au regard de ce qui précède, le constat qui se dégage qu’au-delà des actions de surveillance du marché à travers les contrôles, la solution ultime réside dans l’accroissement de la production agricole et de la production industrielle pour définitivement sortir le pays de la dépendance. C’est pour cela que le Gouvernement travaille à l’aboutissement des solutions pérennes proposées.
DCPM / Ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat