Ciblant pour la première fois directement l’Etat hébreu le samedi 13 avril au soir, l’Iran attise encore le risque dans embrasement de la région sans précédent depuis des décennies. Washington, qui salue une «victoire» des systèmes de défense israéliens, incite son allié à la retenue.
L’inquiétude d’un conflit ouvert entre l’Iran et Israël a finalement pris forme. Dans la soirée du samedi 13 avril, et pour la première fois de son histoire, la république islamique iranienne a lancé depuis son territoire une offensive directe contre l’Etat hébreu en tirant plus de 300 drones et missiles balistiques et de croisière selon une estimation livrée par le porte-parole de Tsahal, Daniel Hagari. Le Hezbollah et d’autres milices pro-Téhéran se sont également joint à l’attaque en effectuant elles-mêmes des tirs depuis le Liban, la Syrie, le Yémen et l’Irak. L’attaque intervient en représailles à un raid attribué aux Israéliens, mené le 1er avril contre une annexe du consulat d’Iran à Damas. Quatorze personnes avaient été tuées dont deux chefs militaires des Gardiens de la révolution. Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, avait appelé à «punir» l’Etat hébreu.
D’après l’Etat Hébreu et ses alliés américains, la grande majorité des centaines de tirs ont été interceptés, neutralisés hors de l’espace israélien bien avant d’atteindre leurs cibles, grâce notamment à l’appui de forces positionnées dans la région par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ainsi que l’assistance de la Jordanie. Le bilan officiel, à l’heure où le jour se levait sur le Proche-Orient dimanche matin, déplorait un enfant de 10 ans grièvement blessé par des éclats de projectile et seulement des dégâts mineurs constatés sur une base militaire du sud du pays. Alors que l’attaque semblait avoir pris fin, l’espace aérien d’Israël et de la plupart des pays voisins des antagonistes demeuraient fermés, par crainte sans doute d’un nouveau ressac violent.
Dans une allocution télévisée samedi soir tard, le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a martelé que «ces dernières années, et plus encore ces dernières semaines, Israël s’est préparé à l’éventualité d’une attaque directe de l’Iran. Nos systèmes de défense sont déployés, nous sommes préparés à tous les scénarios, tant sur le plan défensif qu’offensif». Le chef de l’Etat hébreu a ensuite voulu rappeler «un principe clair : quiconque nous porte atteinte, nous lui porterons atteinte».
Joe Biden «condamne», convoque le G7 et tente de contenir Nétanyahou
Washington l’entend cependant différemment. Dans un communiqué de la Maison Blanche, le président américain a bien sûr «condamné avec la plus grande fermeté» ce qu’il dénonce comme une «attaque aérienne sans précédent contre des installations militaires en Israël lancée par l’Iran et ses relais opérant depuis le Yémen, la Syrie et l’Irak». Depuis Washington, où il était rentré à la hâte dans l’après-midi pour concertation avec ses équipes alors qu’il passait son week-end dans le Delaware, Biden s’est félicité que les récents déploiements dans la région de troupes américaines et «leurs compétences extraordinaires» aient aidé Israël «à abattre la quasi-totalité des drones et des missiles en approche.»
Après avoir réaffirmé à Benyamin Nétanyahou «le soutien inébranlable des États-Unis en faveur de la sécurité d’Israël» et salué sa «capacité remarquable à se défendre», il a enfin annoncé convoquer une concertation dimanche de ses homologues du G7 afin de «coordonner une réponse diplomatique unie à l’attaque téméraire de l’Iran.» «Bien que nos forces et nos installations n’aient pas été attaquées aujourd’hui, nous resterons vigilants face à toutes les menaces et nous n’hésiterons pas à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger notre peuple», conclut le président américain.
Mais à en croire des sources officielles anonymes citées par les médias américains CNN et Axios, Joe Biden, aurait fixé une limite au «soutien inébranlable» offert à Nétanyahou lors d’un échange téléphonique de presque une demi-heure dans la nuit de samedi à dimanche : les Etats-Unis n’accompagneront pas leur allié israélien dans une contre-attaque en Iran. Le président américain s’y serait opposé, plaidant qu’il fallait qu’Israël considère l’épisode de samedi comme une victoire, au regard de la quasi-totalité des tirs neutralisés sans impact majeur, parmi lesquels plus de 100 missiles balistiques. «Vous tenez une victoire. Prenez la victoire», aurait lancé Biden à Nétanyahou, selon les révélations d’Axios.
Selon CNN, un échange avait également eu lieu entre le ministre de la Défense, Lloyd Austin, et son homologue Yoav Gallant, le patron du Pentagone ayant insisté pour que les Etats-Unis et Israël communiquent et coordonnent très précisément leur réaction à la crise en cours, après que l’attaque israélienne contre le consulat iranien de Damas, à l’origine de l’offensive de Téhéran, n’a été notifiée à Washington qu’une fois lancée.
Tout en mettant en garde l’Iran, les Etats-Unis, alliés historiques d’Israël, avaient annoncé la veille leur volonté de déployer des «moyens supplémentaires» au Moyen-Orient afin de «soutenir les efforts de dissuasion régionale et accroître la protection des forces américaines», sans toutefois préciser la nature de ces renforts.
Selon Téhéran, l’affaire est «close»
Aussitôt son tir de barrage achevé, l’Iran avait semblé vouloir s’engager dans une désescalade rapide de la crise que le régime des mollahs avait lui-même aggravée par son offensive sans précédent contre Israël : un tweet de sa représentation à l’ONU a argué que son action militaire, «conduite sur la base de l’article 51 de la Charte des Nations unies relatif à la légitime défense, répondait à l’agression du régime sioniste contre nos locaux diplomatiques à Damas» le 1er avril – une frappe attribuée à Tsahal, et que «l’affaire peut être considérée comme close».
Il est toutefois peu probable qu’Israël accepte de laisser son ennemi décider de la conclusion de l’escalade en cours. Le porte-parole de l’armée israélienne avait déjà annoncé une réunion d’État-major à 7 heures dimanche pour parler de possibles représailles. Dans le même tweet, l’Iran avertit : «Toutefois, si le régime israélien commet une nouvelle erreur, la réponse de l’Iran sera considérablement plus sévère».
Aux Nations Unies, l’Etat hébreu a déjà répliqué dans un courrier adressé à l’actuelle présidence maltaise du Conseil de sécurité onusien, l’ambassadeur israëlien Gilad Erdan dénonce l’attaque iranienne comme une «escalade grave et dangereuse» et demande la convocation d’une réunion d’urgence du conseil afin que celui «condamne immédiatement et sans équivoque l’Iran pour ces violations graves [de la charte des Nations Unies] et désigne les Gardiens de la révolution islamique comme une organisation terroriste». Une réunion devrait se tenir ce dimanche à New York.
Au cours de la nuit, un vote du gouvernement israélien a décidé d’autoriser le Premier ministre Benyamin Nétanyahou, son ministre de la Défense Yoav Galant et le ministre Benny Gantz à décider de la réponse à l’attaque iranienne. Le cabinet de guerre israélien, composé suite à l’attaque du 7 octobre, se réunira dimanche pour trancher cette question, selon des hauts responsables israéliens cités par Haaretz. Les ministres d’extrême droite Smotrich et Ben-Gvir auraient été les seuls à voter contre ce mandat.
Sources : Liberation.fr et CNN