L’annonce faite samedi 3 février de reporter la présidentielle plonge à nouveau dans l’inconnu ce pays réputé comme un îlot de stabilité en Afrique, mais qui a connu depuis 2021 différents épisodes de troubles meurtriers
De premiers heurts ont éclaté dimanche 4 février à Dakar, où les gendarmes sénégalais ont dispersé à coups de gaz lacrymogènes des centaines de personnes venues manifester contre le report de la présidentielle, avant d’essuyer des jets de pierres. Des hommes et des femmes de tous âges, agitant des drapeaux du Sénégal ou portant le maillot de l’équipe nationale de foot, ont convergé en début d’après-midi vers un rond-point sur l’un des axes routiers principaux de la capitale, à l’appel de plusieurs candidats.
Des jeunes scandant « Macky Sall dictateur ! » ont entrepris de dresser des barrages avec des moyens de fortune. L’un des candidats à la présidentielle, Daouda Ndiaye, a posté sur les réseaux sociaux un message où il assure avoir été « brutalisé » par les forces de l’ordre, et rapporte que certains de ses collaborateurs ont été « arrêtés ». Les forces de sécurité ont aussi tiré des grenades lacrymogènes sur les nombreux partisans de Khalifa Sall qui s’étaient rassemblés près du quartier général de leur candidat. Plusieurs femmes se sont trouvées mal sous l’effet des gaz.
L’opposante Aminata Touré a été notamment arrêtée, alors qu’elle participait à une manifestation de l’opposition contre le report de la présidentielle du 25 février, a indiqué le député d’opposition Guy Marius Sagna. Ancienne Première ministre du Sénégal nommée par le président Macky Sall, Aminata Touré était passée à l’opposition et faisait partie des candidats recalés à la présidentielle.
Les autorités sénégalaises ont suspendu le signal d’une télévision privée coupable selon elles d’« incitation à la violence » à travers ses images sur les protestations contre le report de la présidentielle. Le ministère, « en accord avec le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA), a donné l’ordre aux diffuseurs de Walf TV de couper temporairement le signal pour incitation à la violence », a dit son directeur de la communication, Ousseynou Dieng. Le groupe Walf a annoncé sur les réseaux sociaux un « retrait définitif de sa licence par l’État ».
L’opposition au Sénégal a rejeté la décision du président Macky Sall, samedi, de reporter la présidentielle du 25 février, une décision sans précédent qui a suscité un tollé. L’annonce faite samedi dans un contexte de grave crise politique par le président élu en 2012 et réélu en 2019 a aussi provoqué l’inquiétude à l’étranger.
Le président Sall a invoqué le conflit qui a éclaté entre le Conseil constitutionnel et l’Assemblée nationale après la validation définitive par la juridiction de 20 candidatures et l’élimination de plusieurs dizaines d’autres. L’Assemblée a approuvé la création d’une commission d’enquête sur les conditions de validation des candidatures. Les députés se réunissent ce lundi pour examiner la proposition de loi déposée par le candidat recalé Karim Wade pour le report de la présidentielle de six mois.